Notre Ambassadrice IntimAgir Grand Est a accepté de se livrer à nous pour une interview qui sera visible dans le prochain numéro de réalités familiales, la revue thématique de l’Unaf.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience en tant que maman et de l'influence de votre handicap moteur sur votre parcours parental ?

Je m’appelle Amélie LAGUZET. Quand j’étais jeune, j’ai eu un accident de voiture qui m’a rendue tétraplégique.

À l’époque, on ne discutait pas de la façon dont ma nouvelle vie intime se déroulerait.
On m’a donné la pilule sans me poser de questions. Personne ne m’a parlé de ma nouvelle vie de femme ou de la possibilité d’avoir des enfants.

J’étais confrontée à un changement auquel je devais m’adapter et intégrer. J’étais jeune et rebelle, la maternité n’était pas mon objectif de vie. L’adoption me semblait être une solution parfaite dans un monde déjà surpeuplé.

Puis, je suis tombée amoureuse…

Cet homme grand et beau a tout changé. Lorsque notre relation est devenue sérieuse, il m’a demandé si je pouvais avoir des enfants. J’ai répondu que oui, mais je ne le savais pas moi-même.

Son désir de vivre la parentalité ensemble a changé ma perspective et m’a donné envie de vivre une grossesse, 2 grossesses.

Aujourd’hui, je suis maman de deux enfants : un garçon de 18 ans et une fille de 15 ans.

Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontée en tant que maman en situation de handicap moteur ?

Les défis auxquels je suis confrontée sont les mêmes que ceux rencontrés par toutes les mamans.

En effet, la parentalité est un apprentissage quotidien, nous apprenons à être parents comme les enfants apprennent à devenir des jeunes adultes.

Évidemment, être une maman en situation de handicap moteur apporte son lot de défis quotidiens.

 Ce qui m’a le plus marquée, ce sont les avis non sollicités sur ma capacité à être maman. Les questions sur ma grossesse et ma maternité étaient souvent déplacées :

  • “Tu n’as pas peur de transmettre ton handicap ?”
  • “Tu n’arrives pas à te gérer toi-même, comment vas-tu gérer un enfant ?”
  • “Pourquoi imposer cela à un enfant ?”
 

L’opinion des gens est infantilisante et déplacée. Bien sûr, mon compagnon et moi avions réfléchi à cette parentalité atypique. Il était d’ailleurs disponible les trois premières années de chaque enfant.

Nous avions organisé cette parentalité ensemble, mais les regards portés sur nous n’exprimaient pas la même chose.

Il était le saint homme, j’étais l’inconsciente.

Comment gérez-vous les tâches quotidiennes liées à la parentalité malgré votre handicap moteur ?

Quand les enfants étaient petits, je craignais qu’ils ne me considèrent pas comme leur mère si une autre femme s’occupait d’eux.

C’est pourquoi en mon ex-mari était en quelque sorte ma continuité, me faisant confiance quant à la maman que je voulais être. Ce qui m’a permis de bien vivre les premiers mois de leur vie. À un an et demi, mon fils a escaladé mon fauteuil pour se serrer contre moi en disant “maman”. C’était un moment marquant, il savait que j’étais sa maman, je pouvais être rassurée.

Quels ajustements ou adaptations avez-vous dû mettre en place pour vous occuper de vos enfants en fonction de vos besoins spécifiques ?

Comme je l’ai expliqué précédemment, mon mari était à mes côtés pour gérer l’aspect “technique”. Les auxiliaires de vie n’étaient pas censées s’occuper de ces tâches, car elles étaient là pour prendre soin de moi. Je n’étais pas très à l’aise avec le matériel de puériculture adapté, ce qui rendait difficile le fait de vivre cette expérience de manière naturelle.

Maintenant, il existe une PCH Parentalité aide humaine et aide technique qui permet aux parents en situation de handicap d’avoir un soutien extérieur.

Cela n’existait pas à mon époque, mais je trouve que c’est une avancée positive. Il serait également intéressant d’étendre ce soutien jusqu’aux 18 ans de l’enfant, car il y a encore des besoins entre 7 et 18 ans.

Comment communiquez-vous avec vos enfants au sujet de votre handicap moteur ? Comment cela influence-t-il votre relation avec eux ?

Mes enfants ont chacun leur propre vision de la situation. La communication a toujours été essentielle dans notre relation, et nous abordons tous les sujets qui peuvent avoir un impact sur leur vie, que cela soit lié à mon handicap ou non.

Notre relation est très fusionnelle, et nous nous soutenons mutuellement. Le fait que je sois en quelque sorte « dépendante » apporte une dimension différente à nos relations.

Avec mes enfants, la notion d’entraide est présente dès leur plus jeune âge. Ils savent qu’ils peuvent compter sur moi, tout comme je peux compter sur euxCC.

Quels conseils donneriez-vous aux autres parents en situation de handicap moteur qui pourraient se sentir découragés ou isolés ?

Je leur dirais : “C’est à vous de décider ! Tentez-le si vous le souhaitez !” En tant que personne en situation de handicap, je vous assure que c’est possible. Ne laissez pas les idées préconçues des autres vous influencer.

En quoi pensez-vous que la société peut être plus inclusive et soutenir davantage les parents en situation de handicap moteur ?

La société doit faire davantage d’efforts pour inclure les parents en situation de handicap.

À l’école, par exemple, l’accessibilité pour les parents en situation de handicap est souvent négligée. Les rencontres scolaires se déroulent parfois dans des endroits non accessibles. Cela peut nous isoler et nous exclure de la vie scolaire de nos enfants. Les enfants de ces parents subissent également cette exclusion et c’est très frustrant à vivre en étant maman.
Il est important d’améliorer l’accessibilité des lieux de vie pour que les parents en situation de handicap puissent profiter des loisirs et de la culture avec leurs enfants.

De plus, les professionnels devraient être mieux informés sur la grossesse et la parentalité adaptées aux personnes en situation de handicap.
Cela éviterait des situations mal vécues pour les personnes concernées.
J’ai du manger à des heures différentes lors de ma deuxième grossesse car une aide-soignante n’était pas à l’aise avec le handicap et ne voulait pas me faire manger. Certains soignants disent que cela n’entre pas dans leurs fonctions. C’est pour cela qu’il est important d’inclure le handicap dans l’enseignement du personnel soignant et accompagnant.

Notre vie de famille est par la force des choses soumises à une exposition auprès du personnel accompagnant (ex : auxiliaire de vie), ce qui parfois laisse place à des réflexion sur l’éducation qui n’a pas lieu d’être. Il est crucial de respecter la diversité des modes de vie. Être parent ne signifie pas être parfait, et les parents en situation de handicap ne devraient pas être jugés pour leurs choix de vie qui pour certaines personnes est trop « atypique » (par exemple je ne vois pas de problème à ce que mes enfants n’aient pas une chambre impeccable, dois-je être jugée pour cela ?

On ne voit pas comment est rangée la chambre des enfants de M. ou Mme Machin, pourquoi devrais-je me justifier ?

Quels sont les moments les plus gratifiants que vous avez vécus en tant que maman malgré les défis auxquels vous êtes confrontée en raison de votre handicap moteur ?

Pour moi, ce qui est gratifiant, c’est de voir mes deux grands enfants dont je suis très fière. Je pense avoir apporté une contribution positive à la parentalité en tant que personne en situation de handicap. Je suis fière de la famille que nous sommes devenue, et je souhaite partager mon expérience avec d’autres parents qui pourraient traverser des situations similaires.

HandiGyneco le projet sur l'accès aux soins gynécologiques des personnes en situation de handicap

Amélie RENAUD-LAGUZET a témoigné de son experience pour le projet HandiGyneco Grand Est, porté par Intimagir et l’udaf 54 et financé par l’Agence régionale de santé du Grand Est.

Nous vous invitons à découvrir le dispositif dans la vidéo ci dessous.